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La réalité de la zoothérapie en milieu carcéral

zoothérapie en milieu carcéral

Et bien oui, les services de zoothérapie proposés aux personnes criminalisées sont offerts depuis plusieurs années au Québec. Est-ce que les méthodes de travail sont identiques qu’avec la clientèle plus « régulière » ?

Pas vraiment!!!

Plusieurs contraintes sont à prendre en considération. Pour vous aider à comprendre, voici quelques exemples.

Tout d’abord, la zoothérapie se prépare avec la planification des objectifs, la sélection et la préparation des animaux ainsi qu’avec le matériel choisi. Est-ce réaliste de recourir au matériel habituellement utilisé? Dans les milieux carcéraux, plusieurs items sont interdits (cellulaire, ciseau, crayon - à valider, etc.). Comme ces milieux sont beaucoup plus contrôlés, il faut limiter le matériel au minimum. Idéalement, il faut faire une liste du matériel et la vérifier avant et après chaque groupe/personne.

Aussi, il faut s’assurer que tout le matériel soit facilement vérifiable par les agents; les objets doivent pouvoir se glisser facilement dans les détecteurs de rayons x, un peu comme lorsque nous devons placer nos objets personnels sur un tapis roulant pour passer la sécurité dans les aéroports.


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Nous savons bien que nos animaux ne passeront pas dans les détecteurs de rayons x, mais ils devront passer par le scan corporel et peut-être même par un tourniquet. Les chiens, par exemple, doivent être à l’aise avec cette étape, qui est obligatoire. Et la médaille sur le collier de votre chien, qui indique peut-être votre numéro de téléphone, n’oubliez pas de la laisser dans votre voiture si vous ne souhaitez pas recevoir d’appels de vos usagers, ces derniers une fois sortis!!!


Arrivée 

Avec les différentes étapes pour passer la sécurité, vous comprendrez donc que votre arrivée doit se faire à l’avance (+-/ 30 minutes). Vous devez respecter cela, car les retards peuvent occasionner des défis supplémentaires pour les agents qui gèrent l’ouverture des portes.

Vous serez probablement seuls avec vos animaux pour traverser tous les corridors et portes et par conséquent, tous les autres usagers et employés devront attendre leur tour pour passer.

Durée 

Quoi de mieux que de débuter ce sujet par un exemple concret! Le centre de détention demande vos services pour 90 minutes. Ah, un drone a décidé d’atterrir pendant votre plage horaire!!! Ou bien un détenu a décidé de faire griller ses rôties un peu plus longtemps, mettant son secteur en fumée. Ou bien une fouille surprise retarde tout le processus du cheminement des usagers vers la salle des activités.

Est-ce que vous pourrez vraiment quitter à l’heure prévue? Avoir un horaire très flexible est essentiel pour ce type de clientèle. Est-ce que votre facture pourra refléter tous les changements occasionnés par les imprévus? Pas nécessairement, car les budgets approuvés doivent être respectés.



Clientèle 

Les personnes criminalisées sont toutes les mêmes, ayant les mêmes défis et les mêmes objectifs. FAUX.

Pour bien comprendre la réalité de la clientèle, voici quelques questions à se poser. Est-ce que les ateliers se font dans un établissement provincial ou fédéral? Avec des prévenus ou des détenus? Est-ce que l’activité se fait sur une base volontaire ou obligatoire? Assurez-vous d’avoir des groupes homogènes. Les intervenants sur place seront, principalement, en charge de cet aspect. Les délinquants sont placés, selon leurs caractéristiques personnelles, dans leur secteur respectif, pour éviter ou diminuer les risques de conflits. Par conséquent, vos groupes doivent refléter cette réalité.

Vous débutez une série d’activités avec 6 personnes, pendant 8 semaines. La première séance, tout se déroule relativement bien. La deuxième semaine, M. X s’est mal comporté pendant la semaine, il est absent. M. Y est au parloir, il arrive quelques minutes plus tard. Les consignes données au début doivent être réexpliquées. L’activité prévue doit être modifiée et adaptée. Deux semaines plus tard, M. A est parti en cure de désintoxication et M. B a été remis en liberté. Le groupe a encore changé. M. C a été ajouté au groupe, il en avait réellement besoin. Il faut donc encore faire preuve de flexibilité et accepter les mouvements d’usagers dans un même groupe.

Objectifs 

Il existe plusieurs différents types de délinquants : multirécidivistes, antisociaux, professionnels, accidentels, sexuels, névrosés, psychotiques, occasionnels, etc. Les besoins personnels et les objectifs à travailler sont complètement différents. Le choix des APIZ (animal partenaire intervention zoothérapie) est donc, encore plus, essentiel. Qui plus est, idéalement, une variété de partenaires peut s’avérer très utile pour répondre aux objectifs qui diffèrent, d’un groupe à l’autre, ou même d’une personne à l’autre dans un même groupe. Il faut aussi tenir compte du temps de détention (dates de sorties) de chacun des participants puisque cela aura une incidence sur leur réalité, donc sur leurs objectifs.

Les principaux objectifs pour les personnes criminalisées sont : la résolution de conflits, la résolution de problèmes, la gestion des émotions, les saines habitudes de vie, la gestion des pensées, etc.

Déplacements 

Tel que mentionné au début, il faut prévoir du temps pour les déplacements. Certains délinquants sont protégés des autres donc ils ne peuvent pas nécessairement être escortés vers les salles d’activités. Vous devez donc être à l’aise pour vous rendre dans leur secteur, sans agent à proximité. Vous avez un chariot, quelques animaux, des outils d’intervention, alors vous devez vous assurez de ne pas avoir trop d’escaliers à monter.


La réalité – Résumé

Comme vous avez pu le constater, plusieurs contraintes sont à prendre en considération lorsqu’il s’agit de travailler avec les usagers des milieux carcéraux. Le matériel de travail est limité, les heures d’entrée et de sorties doivent être flexibles, la clientèle varie pour chaque groupe/atelier (même si la demande initiale est d’avoir un même groupe uniforme).

Malgré les défis supplémentaires, notre travail est grandement récompensé par le bonheur et bien-être des usagers. À chacune des visites, ces personnes apprécient nos présences et prennent le temps de nous en faire part. Les animaux, particulièrement dans un contexte comme celui présenté, brisent l’isolement et permettent une communication active entre les participants.

Claudie Gauthier